Comme les rois mages...
L'ÉPIPHANIE
Dès le Ve siècle, l'Église donna une importance considérable à cet
événement et pendant des siècles, les chrétiens d'Orient célébrèrent la
Nativité le jour de l'Epiphanie. Cette tradition existe d'ailleurs
encore chez les Arméniens du Caucase à l'heure actuelle. De même, en
Espagne ce sont les Rois mages qui apportent les cadeaux à l'Epiphanie
et non à Noël. Ce n'est qu'au Ier siècle il fut décidé de donner la
primauté à la naissance du Christ plutôt qu'à l'Epiphanie.
L'origine des Rois mages est aujourd'hui encore obscure. On les dits
savants, riches mais errants. Ils sont parfois confondus avec les
bergers qui vinrent également rendre hommage à l'enfant Jésus. Ces
mystérieux personnages alimentèrent l'imaginaire qui enveloppe Noël.
Cependant, si seuls les Évangiles de Luc et de Matthieu évoquent la
naissance et l'enfance du Christ, celui de Luc ne parle ni des Mages,
ni de la fuite en Égypte tandis que celui de Matthieu ne parle ni de la
Crèche ni des Bergers. alors, les Rois mages, mythe, folklore ou
réalité ?
La galette des rois, servie à cette occasion, est une tradition
typiquement française qui avait déjà cours au XIVe siècle. La galette
était partagée en autant de portions que de convives, plus une. Cette
portion supplémentaire, appelée "part du Bon Dieu" ou "part de la Vierge", était destinée au premier pauvre qui se présenterait.
Est-il encore besoin de les nommer : GASPARD, BALTHASAR et MELCHIOR. Un
africain, un européen, un asiatique. Un jeune, un d’âge moyen et un
plus âgé. A trois, ils représentent tant de choses : l’annonce de la
venue dans notre monde à toutes les cultures et pour tous les âges.
Sans discrimination aucune. L’incarnation du Fils de Dieu n’est pas
révélée à un petit nombre. Elle vaut pour toutes les nations, de tout
temps et en tout lieu. Le tout résumé dans les trois personnages venus
à la crèche. Chiffre d’ailleurs étonnant puisqu’il n’est même pas cité
dans l’évangile où est seulement mentionnée l’expression « des mages
venus d’Orient ». Ils étaient peut-être finalement plus nombreux. Nous
n’en savons rien et cela n’a aucune importance. Alors permettez-moi de
vous parler du quatrième mage. Celui dont l’évangile ne parle pas.
Une légende russe et un conte perse en ont fait leur héros. Le roi
de Perse partit avec les trois autres mages et il emporta comme cadeau
trois belles perles précieuses de la taille d’un œuf de pigeon chacune.
Mais en chemin il les donna. La première lui servit à payer des soins à
un vieil homme malade. Avec la seconde il sauva une femme de la
violence de brigands et enfin, avec la troisième, il monnaya la vie
d’un enfant qui allait être tué par les soldats et rendit celui-ci à sa
mère. Il arriva les mains vides à la crèche et s’excusa auprès de Jésus
de n’avoir plus rien à lui offrir. L’enfant le regarda et son visage
rayonnait. Il étendit ses deux petites mains vers les mains vides. Et
l’enfant Jésus sourit, conclut le conte.
En ce qui concerne la légende russe, il s’agit d’un roi qui ayant
vu l’étoile quitta son pays et s’en alla par les chemins. Mais ce roi
était tellement généreux qu’en cours de route, il s’arrêta à de
multiples occasions pour aider celles et ceux en détresse qui
croisaient sa route. En conséquence, quand il arriva à la crèche,
Marie, Joseph et l’enfant étaient déjà partis. Il poursuivit sa marche
durant une bonne trentaine d’années pour se retrouver un jour à
Jérusalem face à une colline où se dressaient trois gibets. Voyant
l’homme du milieu, il sut tout de suite que c’était celui qu’il avait
cherché toute sa vie. Il n’était donc pas arrivé trop tard. Cette
légende et ce conte concernant le quatrième mage, certains d’entre nous
les ont déjà peut-être entendus.
Mais connaissez-vous l’histoire belge du quatrième mage?
C’est celle qui a ma préférence. Un belge, bon vivant et heureux de
vivre dans son plat pays, vit lui aussi un jour l’étoile de Noël et
partit à sa rencontre. A plusieurs reprises, il s’arrêta sur la
nationale 4 pour profiter des bons produits de son terroir. Et puis, en
bon belge, il n’était pas habitué aux distances tellement son pays
était petit, c’est pourquoi il prit tout son temps, rencontra et aida
plein de gens, ayant cette conviction intime que depuis deux mille ans
Dieu l’attend à sa crèche. Lorsqu’il arriva à l’endroit tant cherché,
il se prosterna devant l’enfant Jésus et choisit de lui offrir le plus
cadeau qu’il n’ait jamais possédé : la vie qui lui avait été donnée. Le
mage belge déposa aux pieds de Dieu tout ce qu’il était : ses richesses
et ses zones d’ombre, ses espérances et ses désespoirs, ses convictions
et ses doutes. Et l’enfant Jésus l’accepta tel qu’il était et le
regardant droit dans les yeux, il lui sourit de tout son être. En fait,
ce quatrième mage de ma dernière histoire bien belge, c’est vous, c’est
moi, c’est nous. Et avec Dieu, il n’est jamais trop tard. Nous sommes
nous aussi conviés à partir à la recherche de cette étoile nous
conduisant à l’enfant-Dieu pour nous prosterner devant la divinité de
celui qui s’agenouille face à notre humanité. Dieu n’a pas besoin de
cadeaux achetés ou récoltés, il attend que nous nous donnions
nous-mêmes à lui et ce, à chaque souffle de l’Esprit. Les dons des
mages que nous sommes ne sont pas extérieurs à nous. Ils sont en nous.
Ils viennent de nous. A nous alors de choisir de nous donner
entièrement au mystère de la foi non seulement dans la rencontre intime
de la prière, lieu de dialogue par excellence où se noue en nous
l’humain et le divin, mais également dans la manière dont nous
conduisons nos vies c’est-à-dire par le don de notre temps aux autres.
Ceux qui font partie de nos vies ou qui croisent nos routes. Ceux qui
nous rappellent la présence de Dieu en chacune et chacun de nous.
Si
vous aussi vous souhaitez vous déposer aux pieds de Dieu et donner au
Seigneur ce que vous êtes, alors ensemble, partons à la recherche de
cette étoile de Noël. Elle brille à jamais au fond de nous.
André Laugier
Les Echos Poétiques d'André Laugier