Istres et l' Etang de Berre
Nous allons aborder par une série d'articles, la problèmatique de l'état de santé de notre bel étang de Berre, bien mal en point il faut le reconnaître. Nous publierons sur ce blog outre un constat accablant du milieu aquatique très pollué et déséquilibré, mais aussi des pistes pour sa réhabilitation que nous souhaitons prochaine.
Bonne lecture. Pierre Cazeel.
L’étang de Berre est un lieu où l’eau de mer (dont la salinité est de 37g/l)
rencontre l’eau douce, principalement celle apportée par la centrale hydraulique
EDF de Saint-Chamas (85 à 95 % de l’ensemble de ces apports) ainsi que l’eau des
principales rivières que sont l’Arc, la Cadière et la Touloubre
Les effets de
la mise en service de la centrale EDF en 1966 furent immédiats puisque la
salinité a chuté de 32 g/l à 10-15 g/l quelques mois après le démarrage de la
centrale.
Les apports en eau douce d’EDF se caractérisent par une grande
variabilité saisonnière et interannuelle. Nuls en période de sécheresse, ils
peuvent atteindre des volumes considérables, comme en 1977 où 6,6 milliards de
m3, soit plus de 6 fois le volume total de l’étang, ont été déversés.
A la
fin du printemps, lorsque l’activité de la centrale ralentit, les apports en eau
douce diminuent et la salinité de l’eau remonte. Celle-ci est à son maximum en
été.
Ces variations de salinité ont des conséquences immédiates sur les
animaux et les végétaux, générant la disparition de très nombreuses
espèces.
A cela s’ajoute le fait que les eaux de la Durance (celles de la
centrale) se répandent plutôt à la surface de l’étang. Aussi constate-t-on une
différence importante de salinité entre les eaux de surface et les eaux
profondes provenant de la mer, via le canal de Caronte. Les eaux ne se
mélangeant pas, il se produit des phénomènes d’anoxie dans les eaux profondes,
c’est-à-dire un manque d’oxygène.
Depuis 1995, à la suite du plan
Barnier, l’étang de Berre reçoit de la centrale EDF jusqu’à 2,1 milliards de m3
par an d’eau douce, soit plus de 2 fois son volume total
Trop de sels
nutritifs
Autre source de pollution : les rejets de sels nutritifs (nitrate,
nitrite, ammonium et ortho-phosphate) qui sont d’origine domestique (via les
stations d’épuration, qui ne traitent pas entièrement les eaux usées et via les
cours d’eau), industrielle et agricole (épandage d’engrais en excès). Ils sont
apportés directement dans le milieu par les effluents ou par les cours
d’eau.
Les quantités rejetées sont telles qu’elles entraînent un phénomène
d’eutrophisation, c’est-à-dire une eau trop riche en éléments nutritifs qui
conduit à une prolifération excessive de végétaux. Les nuisances sont
importantes : accumulation sur le littoral de macroalgues (ulves et
entéromorphes) au printemps et en été, mauvaises odeurs liées au pourrissement
de ces algues, manque de clarté, coloration des eaux, présence de mousses à la
surface de l’eau à la suite de poussées phytoplanctoniques.
Etang plus
confiné, l’étang de Bolmon est encore plus déséquilibré. L’eau y est moins
renouvelée et l’essentiel des apports en eau douce provient de la Cadière,
rivière très polluée par les rejets urbains. L’eau y est en permanence verte ou
marron, les herbiers aquatiques ne peuvent plus se développer. L’étang de Bolmon
est interdit à la baignade et à la pêche car les risques de toxicité sont
permanents.
Un
déficit d’oxygène chronique
Pour 40 % de la superficie de l’étang, l’absence
d’oxygène est quasi-permanente dans les eaux proches du fond, ce qui ne permet
pas le développement normal d’espèces vivantes. Les sédiments du centre de
l’étang composés d’une vase noire et nauséabonde n’abritent plus aucune vie. La
partie périphérique de l’étang connaît quant à elle des périodes d’oxygénation
correcte du fond et des périodes ponctuelles d’anoxie.
Des accumulations
de limons
Les eaux duranciennes déversées dans l’étang par la centrale
hydroélectrique de Saint-Chamas sont fortement chargées en limons. Le plan
Barnier entré en vigueur en 1993 a permis une réduction de ces apports à 200 000
tonnes par an. En 1999, les seuils ont été abaissés à 100 000 t/an en
moyenne.
Mais, outre une accélération de l’envasement, ces apports ont un
impact négatif sur le milieu en augmentant la turbidité de l’eau. La pénétration
de la lumière est diminuée, ce qui limite la croissance des plantes aquatiques.
Déposés en grande quantité sur le fond, les limons engendrent également de
fortes contraintes pour la faune.
La fragilité de la qualité sanitaire
des eaux
La baignade est une activité qui impose des normes de qualité très
contraignantes et régulièrement renforcées.
Les sources de pollution
bactériologiques sont les rejets des stations d’épuration, les
dysfonctionnements des systèmes d’assainissement ou de fortes pluies survenant
dans le bassin versant.
D’après les contrôles réglementaires assurés chaque
été, en période d’ouverture de l’étang à la baignade, on assiste à une
dégradation lente de la qualité des eaux, conduisant à la fermeture progressive
des sites, en particulier dans les parties ouest et nord de l’étang. Une
amélioration pourra se dessiner au fur et à mesure de la mise aux normes des
stations d’épuration du pourtour de l’étang et du bassin versant.
Des
polluants piégés dans les sédiments
D’une manière générale, les
concentrations en micro-polluants (plomb, cadmium, chrome, cuivre, mercure,
hydrocarbures) mesurées dans les sédiments sont élevées, conséquence du
développement industriel et urbain de la région au cours des décennies passées.
Il faut bien comprendre qu’il ne s‘agit pas ici d’une pollution de l’eau mais
bien des sédiments fixés et enterrés au fond de l’étang, le risque existe
toutefois encore en cas de brassage et de relargage. L’étang de Bolmon subit
aussi fortement cette pollution chimique.
Et le vivant ?
En 40 ans,
les vastes peuplements d’algues et de phanérogames (plantes aquatiques à
fleurs), témoins d’un milieu en équilibre, ont laissé la place à des peuplements
exubérants d’espèces opportunistes (ulves, entéromorphes), caractéristiques d’un
milieu perturbé.
Quant à la macrofaune benthique, c’est-à-dire les petits
animaux sédentaires vivant sur et dans les sédiments, si elle a résisté à la
pollution par les hydrocarbures, elle n’a pu supporter le brutal changement de
salinité intervenu en 1966. Actuellement, les espèces sont peu nombreuses mais
très résistantes aux conditions du milieu. Dans la partie centrale de l’étang,
il n’y a, par contre, plus aucune espèce macrobenthique vivante en dessous de 5
mètres de profondeur à cause des conditions d’anoxie.
Avant
l’industrialisation des rives, la faune et la flore étaient à la fois abondantes
et diverses, indice d’un milieu stable. Sardines, rougets, mulets cotoyaient les
soles, daurades, saupes ou anguilles, loups et athérines. Jusqu’au milieu des
années 50, la sardine, aujourd’hui disparue, était abondamment péchée. Mais
l’ouverture de la centrale EDF a eu pour conséquence une diminution très
importante du nombre d’espèces présentes dans l’étang. Aujourd’hui, seuls sont
présents les muges, anguilles, loups et daurades.