L'incinérateur de Fos comme à Clermont-Ferrand ?
Il y a encore de l'espoir de voir arrêter
l'incinérateur de Fos ( plus au niveau des expertises de santé locales, que du
manque de courage des politiques de tous bords de la CUM)
Pierre Cazeel
Newsletter Appel
de Paris n°24 – Juillet 2008 – Première victoire de la santé face à
l’incinération
Pour la
première fois en France, la mobilisation d’un collectif de 531 médecins et
d’associations environnementales a permis de faire échouer un projet
d’incinérateur d’ordures ménagères. Après avoir organisé un grenelle local de
l’incinération le 26 mars 2008, le Préfet de la Région Auvergne a en effet
annoncé le 18 juin dernier qu’il refusait d’accorder l’autorisation de
construction d’un incinérateur d’ordures ménagères à Clermont Ferrand. Si
l’action du Dr. Jean-Michel Calut, porte-parole du collectif de médecins, a été
déterminante, celle de l’ARTAC ne peut être occultée, compte tenu de son soutien
sans faille à cette mobilisation locale et de la création du Groupe des experts
scientifiques sur les dangers de l’incinération (GESDI) (voir l’« Expertise
nationale concernant les alternatives à l’incinération et aux décharges :
aspects environnementaux, sanitaires et socio-économiques » du
GESDI).
Risque
de cancers accru pour les riverains
Cette victoire de la santé publique est porteuse
d’espoir pour celles et ceux qui se mobilisent contre la construction d’un
nouvel incinérateur dans d’autres départements. Plus largement, elle pose la
question de la pérennité des 130 incinérateurs d’ordures ménagères
actuellement en fonctionnement en France, étant donné le risque accru de cancer
pour les populations avoisinantes.
En mars 2008, un rapport
de l’Institut national de Veille Sanitaire (InVS) soulignait une
augmentation considérable du risque de développer certains types de cancers
(lymphomes, myélomes, sarcomes des tissus mous, cancers du sein et du foie) chez
les personnes ayant résidé à proximité d’un incinérateur dans les années 70 et
80. Les dioxines sont souvent montrées du doigt, mais le rapport de l’InVS
précise que cette étude épidémiologique ne permet pas d'incriminer un polluant
particulier.
Mise aux normes des incinérateurs
: des améliorations trompeuses
L’argument de la mise aux normes des nouvelles
générations d’incinérateurs avec utilisation de filtres à dioxines est souvent
avancé pour rassurer les populations riveraines de ces installations. Mais cette
mise aux normes ne garanti pas la réduction du risque, les processus chimiques
utilisés pour filtrer les dioxines s’avérant inefficaces pour de nombreuses
autres substances CMR (cancérigènes, mutagènes et/ou reprotoxiques) issues de la
combustion des déchets ménagers. De plus, l’efficacité des filtres reste
relative, étant donné le laxisme qui entoure leur entretien, la faiblesse et le
manque d’indépendance des contrôles, et les nombreuses dérogations qui
permettent aux exploitants d’incinérateurs de les faire fonctionner sans filtre
pendant 60 heures par an, les rejets pouvant alors atteindre jusqu’à 12 500 fois
la norme, comme ce fût le cas à Gilly sur Isère dans les années 80 et
90.
En outre, les normes en
vigueur ne prévoient le contrôle des rejets atmosphériques que pour quelques
polluants tels que les dioxines, les furannes, les oxydes d’azote, le dioxyde de
soufre et les métaux dits lourds, en fixant des valeurs limites d’émissions dans
les gaz d’échappement et les rejets des eaux usées des incinérateurs. La grande
majorité des centaines, voire des milliers de molécules émises par les
incinérateurs n’est donc pas assujettie à ces normes. C’est par exemple le cas
du brome ou des polychlorobiphényles (PCB).
D’autres études relativisent également l’argument «
dioxine », notamment l’étude
d’imprégnation réalisée par l’InVS en 2006, qui a démontré le peu de
différences entre la contamination des populations riveraines d’un incinérateur
et celle de l’ensemble de la population. La zone d’exposition ne semble pas être
un facteur déterminant, comparé aux facteurs individuels (âge, poids, sexe,
profession, mode de vie, etc.). L’étude conclut qu’« il n’a pas été mis en évidence que le fait de résider
autour d’une UIOM [Usine d’incinération d’ordures ménagères] augmentait la
concentration moyenne de dioxines ». Et pour cause : les dioxines sont
peu biodégradables, elles se stockent dans les graisses, et contaminent
l’ensemble de la chaîne alimentaire. La principale voie d’exposition connue est
la consommation de produits d’origine animale (oeufs, laitages, viandes,
produits de la pêche).
La
pollution liée à l’incinération est non seulement locale, à proximité du lien
d’incinération, mais également à distance, voire transfrontalière. Son existence
transgresse le principe de précaution requis vis à vis de tout produit chimique
pour lequel, en raison de son caractère persistant, bioaccumulable et toxique
(PBT), ou très persistant et très bioaccumulable (vPvB) tels que définis
internationalement, il existe un danger présumé grave et/ou irréversible pour la
santé humaine et pour l’environnement. Il est alors exclu d’attendre la preuve
formelle d’un lien épidémiologique, afin de prévenir et d’éviter des dommages
sanitaires ou écologiques graves ou irréversibles.
L’ensemble de la population française étant assez «
équitablement » contaminée par les dioxines, d’autres facteurs de risque doivent
être recherchés pour expliquer pourquoi l’incidence de certains types de cancers
est plus élevée chez les personnes résidant à proximité des
incinérateurs...
L’incinération, la pire des
solutions
C’est la combustion qui
fait que l’incinération est plus à risque que toutes les autres méthodes
d’élimination des déchets. Comme disait Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se
transforme ». En brûlant simultanément des déchets organiques, des
plastiques et autres composés comprenant du chlore, du brome, etc., on crée des
molécules volatiles dont certaines s’avèrent particulièrement dangereuses pour
l’environnement et pour la santé.
Aujourd’hui, les médecins ne
veulent plus être à l’autre bout de la chaîne et traiter ces maladies évitables,
comme ce fut le cas pour l’amiante. Mieux que guérir, ils veulent prévenir,
conformément à l’engagement inscrit dans le serment d’Hippocrate et dans le code
de déontologie médicale.
Partout
en France, plusieurs milliers de médecins et de professionnels de santé se
mobilisent en faveur d’une stratégie concrète de prévention et de précaution
environnementale. La création le 27 janvier 2008 de la Coordination Nationale Médicale Santé
Environnement qui fédère de nombreuses associations régionales de
professionnels de santé – dont le collectif de Clermont-Ferrand – mobilisés en
faveur de la santé environnementale, en est une
illustration.
Des solutions
existent. Elles sont présentées dans l’« Expertise
nationale concernant les alternatives à l’incinération et aux décharges :
aspects environnementaux, sanitaires et socio-économiques ». Il est urgent
d’y recourir systématiquement.
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