Balladur s’attaque au « millefeuille » territorial
La commission Balladur pour la réforme du territoire s’installe
officiellement aujourd’hui. Derrière cette séduisante dénomination, un
appétissant programme.
Les élus locaux s’arrachent les cheveux et les citoyens n’y comprennent
plus rien : entre communes, agglomérations, communautés de communes,
pays, départements, régions, État (sans oublier l’Europe) qui fait
quoi, qui paie quoi, qui est responsable de quoi, à qui doit-on
s’adresser quand ça ne marche pas ? Le moindre dossier de demande de
subvention est devenu, dans les villages, un exercice du niveau du
concours d’entrée à l’ENA. Et après, on s’étonne que les vocations
manquent à l’heure des élections municipales…
Tout doit donc être remis sur le tapis. Sur ce point, tout le monde, à droite comme à gauche, est d’accord.
Mais sur la méthode et le résultat final, ça coince. Pas moins de
quatre commissions sont déjà à l’œuvre ou en passe de l’être ; Edouard
Balladur est très officiellement chargé par Nicolas Sarkozy de présider
« la commission pour la réforme des territoires ». Mais à l’Assemblée nationale, Jean-François Copé,
président du groupe UMP, veut aussi sa commission, présidée par
Dominique Perben. Comme Gérard Larcher au Sénat, dont il est le nouveau
président. A l’Assemblée toujours, un groupe de travail dirigé par le
président de la Commission des Lois, Jean-Luc Warsmann
a pris tout le monde de vitesse en faisant adopter la semaine dernière
un texte à l’unanimité. Balladur semble pourtant avoir obtenu
satisfaction : pas de proposition de loi tant qu’il n’aura pas rendu
lui-même ses conclusions.
Sur le fond, la confusion est encore plus grande. Copé a déjà tranché : pour lui, la fusion départements - régions s’impose. Mais les présidents de Conseils généraux et les conseillers qui les composent ne l’entendent pas de cette oreille. La commission Warsmann plaide pour du « coup par coup » et de l’expérimentation : ici une fusion de deux régions (Haute et Basse Normandie), là une grande agglomération (Lyon), là encore la fusion de deux départements pour faire une région (Alsace).
D’autres (comme le ministre de l’Outre Mer Yves Jégo ) aiment tellement l‘Ile-de-France qu’ils voudraient qu’il y en ait deux, mais en offrant au passage le Val d’Oise à la Picardie, aéroport de Roissy compris, et en faisant gérer les régions par les départements qui les composent.
A la mairie de Paris, le chef de file de l’UMP, Jean-François Lamour, a trouvé la solution idoine : selon lui, il y a trop de communes. Au PS, certains veulent supprimer les « pays » créés par Jean-Pierre Chevènement, et qui n’ont jamais fait leurs preuves.
Dans ce qu’il est convenu le « millefeuille » territorial, il est certain qu’il y a une couche de trop. Mais laquelle ? Réponse fin 2009, avec sans doute une conséquence : ce grand chantier devrait entraîner, malgré l’opposition de l’UMP, le report des élections régionales de 2010 à 2011. C’est bien la première fois que Sarkozy ferait un cadeau à la gauche, qui présiderait ainsi un an de plus vingt des vingt-deux régions métropolitaines. D’ici là, tous les élus locaux, au-delà de leurs idéologies du territoire, vont se battre encore plus ardemment que pour le tribunal, la caserne ou l’hôpital : pour le maintien de leur siège.
Bon courage, Monsieur Balladur !