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Entre Crau et Camargue
10 mai 2007

Le combat continue

Mat

Les élections présidentielles qui viennent de porter M. Sarkozy aux affaires auront été marquées par la percée sinattendue de François Bayrou et de son parti libre. Certes, me direz-vous, une percée n’est pas une victoire. Mais

dans une France que l’on a cherché à diviser irrémédiablement en deux, il est intéressant de constater que 7 millions de citoyens ont donné leur suffrage au projet de rassemblement de M. Bayrou, le seul projet de rassemblement qui dépasse le stade de la simple rhétorique électorale. Car il nous sera rapidement donné l’occasion de voir que le rassemblement façon Sarkozy n’est ni plus ni moins qu’une attente de ralliement à l’Etat UMP.

C’est pourquoi la démarche de François Bayrou conserve aujourd’hui tout son sens. Il est le seul à pouvoir tendre la main à l’intelligence, où qu’elle soit et quelle que soit sa sensibilité politique, pour dire : « ensemble, redressons la France ». Il est toujours le seul à pouvoir dire : « vous pouvez vous associer à moi pour apporter ce que vous avez de meilleur, sans pour autant trahir vos convictions et dissimuler votre sensibilité politique ».

Un nouvel espoir est donc né durant cette campagne. Cet espoir, il faut le faire vivre, au nom du sursaut collectif auquel tant d’électeurs et d’électrices ont cru. J’entends ici et là que nous serions affaiblis par le départ d’un certain nombre de nos troupes, tentées par l’aventure au sein de l’Etat UMP. Mais ce n’est pas un handicap, c’est une chance ! De très nombreux citoyens n’ont pas voté pour François Bayrou parce que, craignaient-ils, « derrière lui, il n’y a que des hommes et des femmes de droite ». Et il faut bien reconnaître que ce constat a sa part de vérité. Longtemps, effectivement, l’UDF a vécu dans l’ombre du RPR. Mais il faut le dire, ce temps est maintenant révolu. Et il l’est d’autant plus que ceux qui resteront, ou ceux qui nous rejoindront, auront le rassemblement chevillé à l’âme. Que ceux qui veulent aller à la soupe y aillent, donc, ils ne font finalement que renforcer la ligne de rupture portée par François Bayrou.

Aujourd’hui, nos institutions menacent gravement le pluralisme. La colonisation systématique de l’Etat par une structure partisane dominante est la source première du malaise grandissant que connaît notre démocratie. Il est facile de critiquer le pouvoir de la rue quand il n’existe plus de contre-pouvoir au sein même de l’Etat français ; quand toute dissonance s’interprète comme une manœuvre du camp adverse ; quand le Parlement n’est rien d’autre qu’une chambre d’enregistrement, et que les projets de loi se font dans l’ombre des cabinets, pour finalement se fracasser sur la colère des manifestants.

Je suis un grand admirateur de Charles De Gaulle, l’héroïsme fait homme. Mais je reconnais aujourd’hui que la 5ème République était faite pour un homme de sa dimension. Il y avait certes chez lui un exercice très personnel du pouvoir, mais aussi une volonté farouche d’asseoir ce pouvoir sur le consentement populaire. Tous ceux qui l’ont suivi ont eu cette même pratique personnelle du pouvoir, tous ont habité la fonction suprême de notre monarchie républicaine, sans jamais toutefois revenir vers le peuple. Le désastreux système de cohabitation n’a été possible que parce que les chefs d’Etat concernés se sont maintenus au pouvoir alors qu’ils avaient été désavoués par le peuple. En fait, tous ceux qui ont suivi le général De Gaulle n’ont pris dans l’esprit de nos institutions que ce qui les arrangeait, dans le seul but de se maintenir au pouvoir.

Il n’est certes pas question de revenir sur l’élection du Président au suffrage universel. Le grand legs du Général, c’est justement d’avoir donné à un pays prompt à se diviser, un véritable chef. Mais on ne fera pas l’économie de ce que j’appellerais « une renaissance parlementaire ». Méfions nous ici des caricatures. Lorsqu’on évoque le renforcement du pouvoir législatif en France, on vous renvoie aussitôt à la très instable IVème République. Or, il existe aujourd’hui des instruments et des techniques qui permettent de faire vivre le pluralisme des opinions sans pour autant sombrer dans une terrible zizanie politique. Cette renaissance constitue une ardente nécessité car, sans même qu’on s’en rende compte, le régime des partis est revenu. Certes, il ne prend plus la forme d’une instabilité chronique et d’arrangements calculateurs entre familles politiques. Il s’est installé à nouveau en permettant chaque fois à un clan d’imposer ses vues. A chaque nouvelle élection présidentielle, les Français ont le choix entre l’Etat UMP et l’Etat PS. Mais combien de projets avortés, de réformes annulées, d’énergies épuisées et d’espoir déçu cela a-t-il engendré ?

Pour de multiples raisons enfin, notre République voit triompher l’indécence. Les politiques s’entourent de stars dont ils s’assurent d’un ostentatoire soutien. Les sphères médiatiques, financières et politiques se rejoignent tellement aujourd’hui qu’elles finissent presque par se confondre. Nous vivons une époque qui attaque sans vergogne ce qui fait l’essence d’une république : la vertu. On sait bien qu’il est vain d’attendre des hommes qu’ils se comportent comme des dieux. Mais l’organisation sociale et politique est justement là pour réguler les comportements de telle manière qu’ils ne soient par contraire aux principes d’un gouvernement républicain. Or, c’est cette organisation sociale qui est en déroute et qu’il faut restaurer, en votant des lois qui imposent de saines contraintes et de nouvelles garanties, et en s’assurant d’une impossible concentration de tous les pouvoirs.

Récemment, vous avez été 7 millions à siffler la fin de la récréation ; à demander que l’intérêt national soit mieux débattu ; que l’Etat cesse de n’être qu’une machine à récompenser les copains et les people ; que la France, rassemblée, se redresse dans l’unité de sa détermination ; que la République ne sombre pas dans l’indécence généralisée. Pour continuer ce combat, il faut abandonner définitivement les vieux réflexes, dans la foulée de l’espoir qui s’est manifesté au premier tour. Il faut espérer que le nouveau parti fondé par François Bayrou recevra des adhésions massives, et qu’il pourra s’appuyer sur un groupe parlementaire solide. Aux élections législatives, ceux qui ont cru au grand projet de rassemblement ne doivent pas baisser les bras. C’est la condition pour qu’un jour prochain on ne parle plus de « percée », mais bien de victoire.

Matthieu Aurouet                                                                                               

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