Voici venu le temps des...pastorales en Provence
La pastorale est la représentation théâtrale de la célébration de la Nativité qui évoque
la procession des pastres (d'où l'origine des pastorales) vers l'étable
où venait de naître l'enfant Jésus. Autrefois jouées pendant, puis
avant la messe de minuit, les pastorales sont aujourd'hui jouées après
la messe de minuit, dans les semaines qui suivent. Les pastorales sont
jouées en langue provençale commune. On retrouve aussi un langage
araméen, c'est à dire un parler par image où les symboles sont très
présent, aidant le spectateur ne comprenant pas le provençal.
L'histoire en est la suivante. Les pastres, faisant paître leurs
troupeaux dans les vergers, sont avertis de la naissance de Jésus et se
rendent à l'étable pour le couvrir d'offrandes. Sur leur route, les
pastres réveillent tout le village et sont accompagnés par tous. Au son
du tambourin et du galoubet, tout le village se met en route, chacun
prenant des offrandes pour le nouveau né. On y retrouve là les
principaux personnages qui sont dans nos crèches : tambourinaire,
meunier, pêcheur, rémouleur, les boumians (bohémiens)...
En 1844, le 26 décembre, Antoine MAUREL écrit : "La Pastorale ou le mystère de Notre Seigneur Jésus Christ" à la demande de l'abbé JULIEN.
La pièce s'inspire des livrets des crèches parlantes et des saynètes de
Noël, racontant de manière humoristique la Nativité. Le succès est si
vif, que la spectacle ne tardera pas à être joué sur toutes les scènes
marseillaises et provençales. Suivront dans son sillage, d'autres
pastorales, la plupart en langue provençale.
Il existe actuellement de nombreuses Pastorale en Provence. De nombreux
village présentent leur propre pièce écrite par un habitant en français
ou en provençal ; généralement elles sont jouées par les villageois
eux-mêmes. D'autres sont plus connues comme la Pastorale AUDIBERT.
Cependant la plus renommée en Provence est la Pastorale MAUREL.
En cinq actes, entièrement en provençal sauf le 4ième qui est en
français (l'acte d'Hérode) mais rarement présenté. Elle est l'œuvre
d'Antoine Maurel qui l'a écrite en 1844 à la rue Nau à Marseille, où se trouvait le siège du "Cercle Catholique d'Ouvriers", dirigé par l'Abbé JULIEN. Antoine MAUREL,
né en 1815, dans cette ville en était membre, il fut tour à tour
tonnelier, doreur, ouvrier miroitier, comptable puis directeur du dépôt
de Mendicité.
Lors du premier acte l'ange annonce la nouvelle aux bergers. Puis
s'ensuit une présentation des différents personnages qui met en avant
leurs caractères particuliers. L'aveugle à qui le boumian a volé son
fils. Le meunier qui n'a comme famille que son âne et son chien (ou
presque) Pimpara, le rémouleur qui aime bien lever le coude et caresser
la bouteille. Jiget, le bégue et Pistachié le peureux qui se fait
embobiner par le boumian à qui il vend son ombre (son âme) contre une
bourse d'argent.
Le deuxième acte met en scène la divulgation de la nouvelle de la
naissance de l'enfant. Les bergers arrivent au village et réveillent
Roustido, un vieux vieux garçon, un peu giron, il finira par réveiller
son compère Jourdan le mari de Margarido qui souhaite rester jeune.
Tout ce raffut fera que Margarido, sa femme, vieille acariâtre qui ne
rate jamais une occasion d'engueuler son mari, ne tardera pas à
descendre. Les trois vieux réunis partiront vers l'étable sans oublier
de répandre la nouvelle au hasard du chemin.
Tout ce petit monde se retrouve chez Benvengu, maître d'une grande
ferme et beau-fils de Jourdan. Il est veuf et chez lui, tout nouvel
arrivant est l'occasion de faire la fête autour d'un bon verre de vin.
Après quelques agapes, la chute de Pistachié poussé par le boumian dans
le puit et l'arrivée de l'ange qui confirme la nouvelle, tout ce petit
monde se mettra en route vers la crèche.
Le quatrième acte est l'adoration. Chaque personnage se présente devant
l'enfant Jésus et lui offre son présent. évidemment quelques miracles
s'accomplissent. Margarido et Jourdan se réconcilient, l'aveugle
retrouve la vue et le fils que le boumian lui avait volé, le boumian
devient gentil et Jiget, le bégue, retrouve une élocution normale.
La pièce se termine par un chant, "O rei de glori" dynamique et puissant exprimant toute la joie de ce petit peuple de Provence.
Si au départ l'argument de la pièce est très fortement imprégné de
l'esprit religieux, petit à petit, du fait de la baisse de
l'utilisation de la langue Provençale, cette Pastorale MAUREL revêt un caractère plus culturel voire identitaire.
C'est pratiquement la seule pièce qui soit interprétée régulièrement,
chaque année à l'époque de Noël, en Provence dans la langue de Frédéric MISTRAL.
Aussi, chaque représentation attire de nombreuses personnes
nostalgiques de cette langue et qui ne manque pas d'amener avec eux
leurs enfants voire leurs petits enfants.
Concernant les troupes, ils s'agit le plus souvent de troupes
amateurs issues d'un groupe folklorique, qui n'ont que cette pièce dans
leur répertoire ou bien de troupes de théâtre le plus souvent théâtre
en provençal.
Certaines ont leur salle fixe comme la Pastorale de la rue Nau ou celle de la salle Mazenod,
à la rue d'Aubagne. D'autres représentent un village comme la Pastorale
de Fuveau ou celle de Chateau-Gombert. D'autres sont nomades et se
déplacent comme un cirque, au fil des demandes, comme l'Escolo doù
Miejour.
Mais toutes ont la conviction lors de chaque représentation de
défendre une culture et de conserver un lien entre un peuple et sa
langue.
André LAUGIER