Joyeuses Pâques à tous
ŒUFS DE PAQUES
Voici venir Pâques fleuries,
Et devant les confiseries
Les petits vagabonds s'arrêtent, envieux.
Ils lèchent leurs lèvres de rose
Tout en contemplant quelque chose
Qui met de la flamme à leurs yeux.
Leurs regards avides attaquent
Les magnifiques œufs de Pâques
Qui trônent, orgueilleux, dans les grands magasins,
Magnifiques, fermes et lisses,
Et que regardent en coulisse
Les poissons d'avril, leurs voisins.
Les uns sont blancs comme la neige.
Des copeaux soyeux les protègent.
Leurs flancs sont faits de sucre. Et l'on voit, à côté,
D'autres, montrant sur leurs flancs sombres
De chocolat brillant dans l'ombre,
De tout petits anges sculptés.
Les uns sont petits et graciles,
Il semble qu'il serait facile
D'en croquer plus d'un à la fois ;
Et d'autres, prenant bien leurs aises,
Unis, simples, pansus, obèses,
S'étalent comme des bourgeois.
Tous sont noués de faveurs roses.
On sent que mille bonnes choses
Logent dans leurs flancs spacieux
L'estomac et la poche vides,
Les pauvres petits, l'œil avide,
Semblent savourer des yeux
Marcel PAGNOL
LES CLOCHES ET LES LARMES
Sur la terre où sonne l'heure,
Tout pleure, ah ! mon Dieu ! tout pleure.
L'orgue sous le sombre arceau,
Le pauvre offrant sa neuvaine,
Le prisonnier dans sa chaîne
Et l'enfant dans son berceau ;
Sur la terre où sonne l'heure,
Tout pleure, ah ! mon Dieu ! tout pleure.
La cloche pleure le jour
Qui va mourir sur l'église,
Et cette pleureuse assise
Qu'a-t-elle à pleurer ?... L'amour.
Sur la terre où sonne l'heure,
Tout pleure, ah ! mon Dieu ! tout pleure.
Priant les anges cachés
D'assoupir ses nuits funestes,
Voyez, aux sphères célestes,
Ses longs regards attachés,
Sur la terre où sonne l'heure,
Tout pleure, ah ! mon Dieu ! tout pleure.
Et le ciel a répondu :
"Terre, ô terre, attendez l'heure !
J'ai dit à tout ce qui pleure,
Que tout lui sera rendu."
Sonnez, cloches ruisselantes !
Ruisselez, larmes brûlantes !
Cloches qui pleurez le jour !
Beaux yeux qui pleurez l'amour !
Marceline DESBORDES-VALMORE (1786-1859)
PÂQUES
Au bord du toit, près des lucarnes
On a repeint les pigeonniers
Et les couleurs vives vacarment
Depuis les seuils jusqu'aux greniers
Et c'est le vert, le brun, le rouge,
Sur les pignons, au bord de l'eau
Et tout cela se mire et bouge
Dans la Lys, la Durme ou l'Escaut
On bouleverse les cuisines
Des mains rudes, de larges bras
Frottent les antiques bassines
L'écuelle usée et le pot gras
Sur les linges, les draps, les taies
Qu'on sèche à l'air vierge et vermeil
Pleuvent, partout, le long des haies
Les ors mobiles du soleil
Là-bas, au fond des cours, s'allument
Faux et râteaux, coutres et socs
Comme de hauts bouquets de plumes
Sur les fumiers luisent les coqs
Pâques descend sur le village
Tout est lavé, même l'égout
Et l'on suspend l'oiseau en cage
Près de la porte, à l'ancien clou.
Emile VERHAEREN
Merci mille fois à l'aide précieuse d'André LAUGIER.